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UN LIVRE DE JAMES BALDWIN OUBLIÉ ET NÉGLIGÉ DEPUIS QUATRE DÉCENNIES A DROIT A UNE SECONDE VIE


Par Alexandra Alter - New York Times 20 août 2018

Read the original article here: https://www.nytimes.com/2018/08/20/books/review/james-baldwin-little-man-picture-book.html

Tejan Karefa-Smart, or TJ in the book, used to pester his famous uncle to write a story about him. He wrote the foreword to the new edition.CreditYoran Cazac (Beatrice Cazac)

«Je n'ai jamais eu d'enfance» a déclaré un jour l'écrivain James Baldwin. «Je suis mort-né.»

Baldwin a délivré cette sombre évaluation de sa jeunesse quand à l'âge de 50 ans environ, et au milieu de l'écriture de « Little Man, Little Man, A Story of a Childhood », son seul livre pour enfants.

L'histoire se déroule du point de vue d'un garçon curieux, irrépressible, nommé T.J. âgé de 4 ans, qui aime la musique, joue à la balle, et navigue dans un quartier où la violence des armes à feu, la brutalité policière, l'alcoolisme et la toxicomanie sont des menaces qui se profilent - un monde extérieur auquel même son existence au sein d'un foyer chaleureux avec des parents aimants ne peut pas protéger.

Quand « Little Man, Little Man » est sorti en 1976, les critiques ne savaient pas quoi faire d'un livre d'images expérimentale, énigmatique qui chevauchait la frontière entre la littérature pour enfants et pour adultes. Il a reçu des critiques mitigé et a été rapidement épuisé.

Aujourd'hui, quatre décennies plus tard, la famille de Baldwin ont ressuscité l’œuvre, avec une nouvelle édition de Duke University Press, et cette réédition pouvait difficilement être plus opportune. Celle-ci survient à un moment où les auteurs de livres pour enfants et les éditeurs place plus volontiers des enfants noirs et bruns au centre des récits sur la vie quotidienne, en abordant souvent des questions sociales chargées telles que les fusillades de masse, la toxicomanie et la violence policière contre les jeunes afro-américains. Ils trouvent un public avide chez les jeunes lecteurs qui grandissent dans un pays de plus en plus diversifiée.

Certains fans et spécialiste de Baldwin espèrent que la nouvelle édition, « Little Man, Little Man » assumera à juste titre sa place dans le canon de la littérature pour enfants afro-américains, aux côtés des œuvres de Langston Hughes, Julius Lester, Walter Dean Myers et John Steptoe.

An illustration from “Little Man, Little Man.”CreditYoran Cazac (Beatrice Cazac)

« Quand le livre est sorti, les gens n'était pas prêts pour lui, mais à présent ils le sont», déclare Aisha Karefa-Smart, la nièce de Baldwin, qui a écrit une postface pour la nouvelle édition. «La voix de mon oncle, sa capacité à parler des défis auxquels nombre d'entre nous sont confrontés en Amérique en ce qui concerne la race, tout cela est revenu dans la conscience nationale

Aisha Karefa-Smart, qui fut probablement la source d'inspiration pour un personnage dans le livre appelé Blinky, dit que son oncle avait un profond respect pour les jeunes, et se sentait contraint d'écrire sur les expériences des enfants afro-américains, et l'inégalité généralisée à laquelle nombre d'entre eux devaient faire face. « Il se refusait à créer un fantasme », dit-elle. « C'était un livre qui traitait des réalités de l'enfance noire. »

La réédition de « Little Man, Little Man » coïncide avec un renouveau plus large des œuvres ultérieures de Baldwin. À venir, l'adaptation par Barry Jenkins du livre de 1974 de Baldwin « Si Beale Street pouvait parler », a ravivé l'intérêt pour le roman. L'année dernière, Taschen a édité une nouvelle édition de «Nothing Personal » la collaboration entre Baldwin avec le photographe Richard Avedon. Son œuvre a été célébrée dans des hommages comme «Une colère noire » le mémoire de Ta-Nehisi Coates sur la race et l'identité, et le documentaire de Raoul Peck « I Am Not Your Negro» , inspiré par l'un des manuscrits inachevés de Baldwin.

A 1978 photo of Baldwin and his nephew, Tejan, who was the inspiration for TJ in “Little Man, Little Man.”

Baldwin a écrit le livre d'images en partie pour son neveu, Tejan Karefa-Smart, qui suppliait son célèbre oncle d'écrire une histoire sur lui. « Je savais qu'il était important et qu'il était spécial, et je voulais un peu de cette énergie », déclare Tejan Karefa-Smart, un photographe et artiste à Paris, qui a écrit la préface de la nouvelle édition. « Je lui ai dit : 'Oncle Jimmy, quand est-ce que tu vas écrire un livre sur moi? »

Baldwin s'est senti intimidé par la mission. Quand il a parlé à un groupe d'étudiants en 1979, il a décrit comment il était difficile d'écrire un livre pour enfants. « Je dois vous dire, j'avais très peur d'essayer d'écrire un conte pour enfants ou une histoire pour les enfants, car tout d'abord, je pense que les enfants n'aiment pas être qualifiés d'enfants, » leur a-t-il déclaré. « La seule chose que l'enfant ne supporte pas c'est qu'on le rabaisse, qu'on soit condescendant avec lui, qu'on lui parle dans un langage de bébé. Et donc, ce que j'ai essayé de faire, c'est de me mettre moi-même dans l'esprit des enfants dans mon histoire, en essayant de me rappeler de ce que j'étais moi-même lorsque j'étais enfant, et la façon dont je parlais, et la façon dont TJ parle. ».

Quand il a écrit « Little Man, Little Man » Baldwin vivait dans le sud de la France, où il a déménagé après s'être senti de plus en plus désabusé par la persistance du racisme en Amérique. Loin de sa famille, il est devenu encore plus préoccupé dans son œuvre par la dynamique et les obligations familiales.

En France, Baldwin s'est lié d'amitié avec l'artiste Yoran Cazac, après que son mentor, le peintre Beauford Delaney, les ai présenté. Il lui a demandé d'illustrer l'histoire. Cazac n'a jamais vécu aux États-Unis. Baldwin lui a donc montré des photos de sa famille et décrit ce qu'était Harlem, selon le chercheur Nicholas Boggs, qui a écrit une introduction à « Little Man, Little Man » avec Jennifer DeVere Brody, professeur d'études théâtrales et de performance à l'Université de Stanford.

Les images d'aquarelle de Harlem qui en résulte - qui prennent forme à partir des souvenirs de Baldwin, filtrée à travers l'imagination d'un artiste français – ont une qualité onirique et impressionniste qui peut sembler presque discordante quand on les juxtapose avec les éléments parfois menaçants auxquels TJ est confronté dans son quartier. TJ semble insouciant, joue à la balle et danse avec ses amis, mais il rêve aussi d'une poursuite policière violente qui se termine dans une fusillade. Il voit des garçons plus âgés dans son quartier qui prennent des drogues: « Ils montent sur le toit ou ils s'installent sur les escaliers arrière, se shootent la drogue dans leurs veines et ils sortent et s'assoient sur le perron et semblent tomber de sommeil. » Quand TJ dit à son ami, WT, qu'il ne finira jamais comme ça, WT lui répond: « Eux non plus ne le pensaient pas. »

An illustration by Yoran Cazac from “Little Man, Little Man,” by James Baldwin, showing WT, JT and Blinky crossing a street in Harlem.CreditYoran Cazac (Beatrice Cazac)

Certains critiques ont été rebutés par la façon dont Baldwin subvertissait les attentes et les conventions de la littérature pour enfants. «Si le livre n'avait pas été écrit par James Baldwin, je doute qu'il mériterait plus qu'une mention dans un tour d' horizon compte rendus de livres récents » a écrit Julius Lester dans The Times en 1977. « Bien qu'il soit toujours intéressant de voir ce que les figures littéraire écrivent quand ils tentent d'écrire des livres pour enfants, les résultats ne sont pas toujours satisfaisants » .

Même Baldwin semblait incertain de son public-cible, se référant au livre de diverses façons comme «une histoire pour enfants », «une histoire d'enfant pour les adultes» et «une histoire d'enfance».

Après avoir été en rupture de stock, « Little Man, Little Man » a reçu peu d'attention de chercheurs, qui l'ont largement négligé comme une note de bas de page sans conséquence dans l'héritage littéraire imposant de Baldwin.

«Il s'agit d'un des rares livres de Baldwin qui soit sorti des radars » déclare Douglas Fields, auteur de « All The Strangers: The Art and Lives of James Baldwin ». "Ce livre rendait perplexe les érudits Baldwin parce qu'il ne correspond pas au reste de son œuvre.»

Son chemin de retour vers l'impression a été initiée par Nicholas Boggs, professeur adjoint d'anglais à l'Université de New York, qui a consulté une édition de « Little Man, Little Man » à la bibliothèque Beinecke des livres rares et Manuscript de l'Université de Yale dans les années 1990, alors qu’il était étudiant. «Le livre ne ressemblait pas à tout ce qu'il écrivait, et plus j'avançais dans le livre, plus je me rendais compte qu'il ne ressemblait à rien de ce j'avais lu.».

Nicholas Boggs a lancé une campagne pour republier le livre, et s'est mis à la recherche de Cazac. En 2003, après a avoir écrit des emails à certains historiens de l'art en France, il a reçu un appel téléphonique de Cazac, qui l'a invité à lui rendre visite à Paris. Cazac, qui est mort deux ans plus tard, lui a raconté des anecdotes au sujet de sa collaboration avec Baldwin. Boggs a vu les illustrations originales au crayon et les premières ébauches, et a ensuite visité la maison de Baldwin en France, où le couple avait travaillé ensemble sur le livre. Boggs a également appris à connaître la nièce de Baldwin et son neveu, et les a recrutés pour écrire des textes pour une nouvelle édition du livre après que la succession Baldwin ait accepté de le republier.

Aisha Karefa-Smart, Baldwin’s niece and the likely inspiration for Blinky, wrote an afterword for the new edition.CreditYoran Cazac (Beatrice Cazac)

Avec la sortie de la nouvelle édition ce mois-ci, les fans et les chercheurs de Baldwin espèrent que « Little Man, Little Man » attirera une nouvelle génération de lecteurs vers l’œuvre de l’écrivain. «A présent que nous avons un livre pour enfants, nous pouvons attirer des gens encore plus jeune », déclare la poétesse et auteure de livres pour enfants Jacqueline Woodson . «C'est un livre que les jeunes peuvent lire ou faire lire, mais c'est aussi un nouveau livre de Baldwin pour les adultes. »

Pour la famille de Baldwin, la nouvelle édition semble une chance de partager un vieux trésor de famille avec un public plus large. Aisha Karefa-Smart se souvient encore de l'excitation qu'elle a ressenti quand une boîte contenant les copies finies de « Little Man, Little Man » est arrivée. «C'était tout simplement magique », dit-elle. «Cela nous montrait à quel point nous comptions pour lui, et combien nos jeunes vies étaient sacrées et précieuses à ses yeux. »

Little Man, Little Man: A Story of Childhood

Author(s): James Baldwin

Editor(s): Nicholas Boggs, Jennifer DeVere Brody

Contributor(s): Nicholas Boggs, Jennifer DeVere Brody, Tejan Karefa-Smart, Aïsha Karefa-Smart, Yoran Cazac

Publisher: Duke University Press Books (August 27, 2018)

Language: English

Price: $22.95

ISBN-13: 978-147800004

Product Dimensions: 7.5 x 0.6 x 9.9 inches

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at Duke University: https://www.dukeupress.edu/little-man-little-man

at Amazon: https://www.amazon.com/Little-Man-Story-Childhood/dp/147800004X

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