Compte-rendu de notre projection-débat de THE PRICE OF THE TICKET (1989) le 15 mars 2018 au 100ecs à

Compte-rendu par Damie Chad (sur son blog Chroniques de Pourpre) de notre projection-débat du 15 mars dernier au 100 ESC à Paris de
THE PRICE OF THE TICKET (1989) réalisé par Karen Thorsen
(A noter: Le film accompagné d'un débat ainsi que l'exposition sont proposés à toute structure désireuse de les accueillir. Pour les modalités, contactez-nous à l'adresse suivante: collectifbaldwin@free.fr)
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Voici plusieurs années que nous présentons régulièrement dans KR'TNT ! des livres de James Baldwin, figure indissociable de la lutte des noirs aux États-Unis. James Baldwin est mort en France le 1er décembre 1987. Le Collectif James Baldwin ne laisse pas passer une si belle occasion de sortir de l'oubli la haute figure de l'écrivain laissée quelque peu en déshérence depuis pratiquement deux décennies en notre pays.
La réédition d'une dizaine de ses ouvrages et l'attribution du César du Documentaire 2018 au "I'm Not Your Negro" de Raoul Peck a suscité un nouvel élan autour de l'auteur de Si Beale Street Pouvait Parler.
Mais ce soir le Collectif James Baldwin convie les amateurs de Baldwin à visionner une rareté, le film "The Price of the Ticket" de Karen Thorsen. Cette œuvre n'aurait jamais dû voir le jour.
A l'origine Karen Thorsen devait suivre Baldwin en train d'écrire son dernier roman. Mais la mort s'est glissée au milieu du jeu avant même que la partie proprement dite commençât, et a rendu le projet caduc. Mais les producteurs ne renoncèrent pas, une nouvelle règle fut établie : le film se ferait tout de même, il existait, autant en France qu'aux États-Unis, de nombreuses archives d'interviews du romancier et les témoins de son existence ne demandaient qu'à témoigner...
Il était établi que la réalisatrice ne rajouterait aucun mot de son cru sur la bande son. Le film commence sur les obsèques de Baldwin – ce qui donnera à tous les rockers d'entrevoir quelques bribes de Rosetta Tharpe, rappelons que son jeu de guitare n'est pas étranger à la manière d'envisager l'emploi de cet instrument dans le rock'n'roll, en train de chanter... Et puis la narration adopte un cours chronologique des plus classiques.
L'on suit Baldwin pas à pas, l'importance de son beau-père prêcheur intransigeant, la prise de conscience du gamin et de l'adolescent de la chape de misère qui l'emprisonne, lui, sa famille, et toute la nation noire.
Baldwin cumule les difficultés, non content de n'être qu'un nègre il est aussi homosexuel et désire devenir écrivain. Comme beaucoup d'artistes noirs il fuira à Paris. Vivra dans la rue, connaîtra la solidarité des milieux les plus pauvres – les maghrébins parisiens qui subissent de la part des français un ostracisme racial qui étrangement l'épargne en tant que noir... Ce sont des années de formation éprouvantes mais c'est dans ce creuset qu'il écrit Va Dire sur la Montagne – dynamitage du puritanisme religieux noir - et La Chambre de Giovanni – dynamitage du puritanisme sexuel blanc - qui lui apportent la gloire.
En 1957, il rentre aux États-Unis, il pense pouvoir aider à faire progresser la problématique noire. L'espoir soulevé par la Présidence de John Kennedy ne sera qu'un feu de paille.
Baldwin est de tous les combats mais après les assassinats de Malcom X et de Martin Luther King, il se doute qu'il est le suivant sur la liste de la CIA...
Il retourne en France, continuant la lutte par ses écrits et se faisant un devoir de payer les avocats qui défendent les militants et les dirigeants des Black Panthers. Ses écrits sur la cause noire comme La Prochaine Fois, le Feu se révélant malheureusement prophétiques...
La projection sera suivie d''un débat entre la salle pleine et Eléonore Bassop et Samuel Légitimus qui apportent une quantité impressionnante de précisions sur la vie, l'activisme politique et la réception des écrits de James Baldwin.
La discussion s'engage beaucoup plus vivement dès qu'il s'agit de porter un jugement sur l'action politique de Barack Obama en faveur des Noirs aux États-Unis...
Dans le même ordre d'idée, le fait que l'on ait proposé à Christiane Taubira d'écrire la préface de la réédition chez Folio de La Prochaine fois, le feu me fait doucement rigoler. Quand on a été ministre de la justice d'un gouvernement d'obédience libérale qui s'est comporté fort honteusement et moult ignominieusement quant à l'accueil des immigrés africains et que l'on n'a pas eu le courage de démissionner, il vaudrait mieux avoir la pudeur de se taire et le courage d'assumer la politique à laquelle on a souscrit durant des années.
Dans une pièce attenante se tenait une exposition d'œuvres picturales et graphiques en relation avec les combats de James Baldwin et la possibilité de tenir en main et de feuilleter une belle collection d'éditions américaines de l'écrivain, présentée par Sébastien Quagebeur.
Damie Chad
(A noter: Le film accompagné d'un débat ainsi que l'exposition sont proposés à toute structure désireuse de les accueillir. Pour les modalités, contactez-nous à l'adresse suivante: collectifbaldwin@free.fr)