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MON DONJON TREMBLA ( LA PROCHAINE FOIS, LE FEU) - par Fatima Buttho (French & English)


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Mon donjon trembla : Lettre à mon neveu à l’occasion du centième anniversaire de l'émancipation " de James Baldwin (1963) est élégiaque et, comme tous les essais et romans de Baldwin, profondément émouvante.

Écrite au jeune fils de son frère pendant les jours sombres où le mouvement des droits civiques de l'Amérique était encore une expérience de lutte pour l'égalité, Baldwin (1924-1987) parle des gens qui, même dans leur innocence, ont rendu l'auteur et son neveu homonyme invisibles.

Écrivant sur la liberté, Baldwin comprend que condamner vos oppresseurs peut être vital, mais de même le fait de leur pardonner. "Il te faut les accepter", écrit Baldwin à propos des Blancs qui repoussent les générations d'Afro-Américains, "et les accepter avec amour." Bien que l'essai soit en colère, celle de Baldwin ne diminue pas sa bonté ou sa compassion. Il a raison d'être en colère contre un pays qui sépare les hommes de couleur et qui justifie la ségrégation par la religion et la politique. Pourtant, cette colère ne ressemble pas à une chose d'aussi grossière que l'amertume ou la vengeance. Ce que la colère de Baldwin révèle, c'est la douleur.

"Je sais ce que le monde a fait pour mon frère", écrit-il, "et combien peu s'en est fallu qu’il en meure " Et je sais, ce qui est bien pire encore – et c’est là le crime dont j’accuse mon pays et mes concitoyens et pour lequel ni moi-même, ni le temps, ni l’histoire ne leur pardonneront, - je sais qu’ils ont détruit et détruisent des centaines de milliers de vies, et qu’ils l’ignorent et veulent l’ignorer."

Peu d’essayistes savent écrire comme Baldwin. Sa prose est toujours intime, il écrit ouvertement et sans garde. Sa fureur, sa poésie, ses expériences avec la forme sont autant de preuves du fait qu'il n'a jamais caché son mécontentement à l'égard de son pays et de la société dans laquelle il a vécu et voyagé; au lieu de ça, il a médité dessus.

J'ai découvert les livres de Baldwin dans la bibliothèque de mon grand-père à Karachi. Et en fouillant dans les étagères de la chambre sombre, qui sentait vaguement la naphtaline et les livres anciens, je suis tombé sur The Fire Next Time (1963). J’ai lu d’un trait My Dungeon Shook, qui est l'un de ses deux essais et quand j'ai eu fini, j’ai emporté le livre pour lire l'essai à ma mère. Et quand j'ai eu fini de le lire à ma mère, je l’ai lu à mon frère. J’ai ensuite trouvé une copie de l'essai en ligne et l’ai envoyé à mes amis.

Baldwin écrit ce que l’on ressent. Il ne contourne pas l'angoisse et il ne se soucie pas de dissimuler l'intensité de ses convictions.

L’unique devoir d'un écrivain, dans mon esprit, est d'observer le monde autour de lui et d’en parler honnêtement et sans détour. Baldwin, et cet essai en particulier, incarne cela plus que tout écrivain sur lequel je suis tombé jusqu’ici.

Traduction Samuel Légitimus

Fatima Bhutto, 32 ans, est une jeune femme qui a le journalisme et la vérité chevillée au corps. Elle est l'héritière de la famille la plus célèbre du Pakistan, les "Kennedy du Pakistan", comme on les surnomme, à savoir la famille Bhutto. C’est par la littérature qu’elle dénonce les maux de son pays. Ce Pakistan ingérable, presque maudit, elle le peint avec un grand talent et non moins de tendresse dans Les lunes de Mir Ali, (éditions Escales), son premier roman.

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James Baldwin’s “My Dungeon Shook: Letter to my Nephew on the One Hundredth Anniversary of Emancipation” (1963) is elegiac and, like all Baldwin’s essays, and novels, profoundly moving. Writing to his brother’s young son during the dark days when America’s civil rights movement was still a struggling experiment in equality, Baldwin (1924-1987) speaks of the people who, even in their innocence, have rendered the author and his namesake nephew invisible. Writing about liberty, Baldwin understands that condemning your oppressors may be vital but so, too, is forgiveness. “You must accept them,” Baldwin writes of the whites who cast out generations of African Americans, “and accept them with love.” Though the essay is angry, Baldwin’s anger does not diminish his kindness or compassion. He is right to be angry at a country that separated men by colour and that justified segregation through religion and politics. Yet Baldwin’s anger doesn’t resemble anything so crass as bitterness or vengeance. What his anger reveals is pain.

“I know what the world has done to my brother,” he writes, “and how narrowly he has survived it and I know, which is much worse, and this is the crime of which I accuse my country and my countrymen, and for which neither I nor time nor history will ever forgive them, that they have destroyed and are destroying hundreds of thousands of lives and do not know it and do not want to know it.”

Few essayists can write like Baldwin. His prose is always intimate, he writes openly and without guard. His fury, his poetry, his experiments with form are all evidence of the fact that he never hid his discontent with his country and the society he lived and travelled in; rather, he meditated upon it.

I discovered Baldwin’s books in my grandfather’s library in Karachi. And rifling through the shelves in the dark room, which smells faintly of mothballs and old books, I came across The Fire Next Time (1963). I stood reading “My Dungeon Shook”, which is one of its two essays, and when I had finished, took the book to read the essay to my mother. And when I had finished, to my brother. And then I found a copy of the essay online and emailed it to my friends.

Baldwin writes how one feels. He doesn’t skirt around anguish and he doesn’t care to disguise the intensity of his convictions.

The only duty of a writer, in my mind, is to observe the world around them and to speak of it truthfully and without guise (sorry, using guise is a sort of a guise-y thing to do). Baldwin, and this essay in particular, embodies that more than any writer I have come across.

Fatima Bhutto is author of ‘The Shadow of the Crescent Moon’ (Viking)

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